L’abattage rituel: juifs et musulmans, entre ressemblances et divergences

La fête du sacrifice est un rituel incontournable pour les deux croyances.

La communauté musulmane de Belgique a fêté l’ Aïd el-Adha le 24 septembre dernier, mais leur abattage rituel a été fortement compromis en Wallonie et en Flandre. Comment sont pratiqués les rituels sacrificiels des deux rites et dans quoi prennent-ils racine?

Originellement, l’Aïd el-Adha, plus connue comme étant la fête du sacrifice, est respectée et commune aux trois religions monothéistes, à savoir le judaïsme, le christianisme et l’islam. Cette fête prend racine dans les croyances des trois mouvances religieuses lorsque Abraham s’est résolu à sacrifier son seul et unique fils Isaac le jour où Dieu le lui en a fait la demande pour tester sa foi. Alors qu’il s’aprêtait à couper la tête de sa progéniture, juste avant que la lame n’atteigne sa cible, l’ange Gabriel apparut et remplaça son fils par un mouton.

Plus connu sous le nom du « sacrifice du fils », cet épisode est essentiel pour les trois religions précédemment citées. Abraham fait office de modèle par excellence du vrai croyant qui s’abandonne à Dieu. Depuis, l’Aïd el-Adha est fêté sur base du calendrier lunaire musulman ou hégirien qui correspond à 12 mois de 29 ou 30 jours (ce qui équivaut à des années de 354 ou 355 jours) et est fêté le dixième jour du mois lunaire de dhou al Hidja.

Les juifs commémorent, eux, ce sacrifice lors du nouvel an juif. Roch Hashana célébre donc la nouvelle année civile du calendrier luni-solaire hébreu. Ce dernier est composé d’années solaires, de mois lunaires et de semaines de sept jours commençant par le dimanche et terminant par le samedi (le jour du chabbat). Cette année, le nouvel an juif est fêté du lundi 14 au mardi 15 septembre. Il est fêté le 1er et le 2 du mois de Tichri.

Les rituels sacrificiels sur les animaux, que sont la shehita pour les juifs et la dhabiha pour les musulmans, découlent en partie de cette histoire commune mais se basent aussi sur l’hygiène de la viande.

La shehita

Du côté du rite juif, la shehita est le nom donné pour l’abattage rituel des animaux par jugulation. Cette pratique qui consiste à couper la gorge de l’animal est supposée le rendre pur et propre à la consommation tout en lui infligeant le moins de souffrance possible. Il faut dire que la Torah insiste sur le respect de l’animal, avant, pendant et après sa mort.

L’acte en lui-même doit être perpétré par un shohet qui est l’abatteur rituel par définition. Ce dernier doit être hautement qualifié, faire preuve d’une grande maîtrise des lois et être habilité par la Commission Rabbinique Intercommunautaire et par le Ministère de l’Agriculture. Avant la mise à mort, il se doit de réciter la bénédiction sur l’abattage.

L’incision en elle-même est très précise. Elle s’effectue avec un couteau spécial appellé halef. Ce dernier est en acier et est égal à deux fois la largeur du cou de l’animal pour que l’incision se fasse sans interruption. Par la suite, la saignée doit être complète et certaines parties de la viande sont jugées impropres à la consommation selon la croyance juive. Chaque détail est important et tout manquement au protocole, ou aux lois juives relatives au processus d’abattage rendra la viande impure.

Par exemple, s’il y a une interruption dans le mouvement d’aller-retour de l’incision ou si celle-ci n’est pas parfaitement réalisée d’un point de vue de sa localisation, la shehita est disqualifiée et l’abattage rituel n’est donc plus respecté.

Pourquoi tant de rigueur ? Simplement parce qu’à l’origine, la shehita était exercée lors des offrandes pour Dieu autrefois. La mise à mort de la bête (ou des bêtes) devait donc être parfaitement exécutée pour être casher. Une bête incorrectement abattue est qualifiée de nevela (l’équivalent de « charogne » en langue française) ou encore de treifa (équivalent de « déchirée »). Autre point soulevé: il est interdit de manger la viande d’une bête déjà morte ou de manger de la viande de porc et le poisson et les insectes ne sont pas concernés par la shehita.

L’étourdissement de l’animal n’est donc pas appliqué dans la religion juive et certaines organisations pointent du doigt le manque de respect envers les droits des animaux.

La dhabiha

Dans la religion musulmane, l’abattage rituel des animaux porte le nom de dhabiha. Le processus ressemble, dans les grandes lignes, à l’abattage rituel observé par le rite juif. En effet, il est également question d’une incision profonde et rapide effectuée d’un seul coup à l’aide d’un couteau effilé qui coupe les artères de la gorge de la bête. Cette incision ne peut-être effectuée que par un musulman, ce qui pose question dans nos pays puisque les abattoirs ne pensent pas forcément à ce genre de détail, qui n’en est pas un dans l’islam (des non musulmans le font également dans nos abattoirs).

Autres points communs: la bête doit être vidée de son sang puisque le sang est considéré comme un vecteur de maladies. Cela apporte plus d’hygiène à la viande à une époque (celle de l’écriture du Coran dans lequel sont écrites ces règles) où les techniques sanitaires étaient moins abouties qu’aujourd’hui. Il est également proscrit de manger la viande d’une bête préalablement morte ou tuée par un prédateur ainsi que la viande de porc. Le bien-être et le respect de l’animal lors de l’abattage sont également pris en compte. Aussi, le poisson et les insectes ne sont pas concernés par la dhabiha.

Grande distinction cependant: pour que la viande soit « halal », l’animal doit être sacrifié avec la tête tournée vers La Mecque et le musulman qui réalise cet acte le fait en prononçant le nom d’Allah. Sans ces conditions, le rituel sacrificiel n’est pas considéré comme « halal » (équivalent de « permis » en français).

Polémique en Belgique

Dans ces deux techniques d’abattage, l’agonie de la bête peut être rapide (quelques secondes) ou durer de longues minutes si l’incision est moins profonde que prévue par exemple… et c’est là tout le problème soulevé par les organisations protectrices des animaux. L’abattage des animaux sans étourdissement est donc plus que jamais au centre des débâts.

Aujourd’hui, en Belgique, la question est plus que jamais d’actualité. En effet, la communauté musulmane souhaiterait fêter l’Aïd (la fête du sacrifice) dans les « règles de l’art », ce qui implique le respect de leur abattage rituel. Toutefois, la mise en place d’abattoirs temporaires n’a pas eu lieu en Wallonie cette année.